Si les chercheurs d’or essayaient de trouver leur bonheur dans l’Ouest américain, en France il faut plutôt le chercher vers l’Est…
Entre Alsace et Lorraine, 3 étoiles qui brillent au-dessus d’un ruisseau, perdues au milieu d’une forêt de sapins… une belle maison forestière qui révèle un intérieur sombre et élégant, un trésor pour les gastronomes et aux commandes certainement le chef le moins médiatisé de tous les triple étoilés.


“J’assemble des goûts qui étonnent et surprennent. Comme une pièce de théâtre, il faut de l’émotion, et comme au théâtre, de la mise en scène. » Voilà la cuisine de Jean-Georges Klein, chef autodictate, pour qui nous avons fait l’aller/retour dans la journée de samedi depuis Paris. Il faut dire que ses meilleurs ambassadeurs depuis 14 ans, Patrick et Olivier, nous vantaient sans réserve les mérites de ce coin de forêt de Bitche. Dès Noël notre table était bookée, et spécialement pour nous, le menu servi à la Saint-Sylvestre avait été à nouveau préparé.



Accueillis chaleureusement par Cathy, le jeune et international personnel du restaurant (merci Patrick et Mario), nous a guidé vers la vaste salle du restaurant comme suspendue dans la nature. Verrerie de Saint-Louis (forcément nous sommes dans le pays du cristal), monumentaux vases d’orchidées blanches, joli plafond en bois, table sobre, il n’y a plus qu’à nous laisser guider par notre sommelière Fumiko (si j'ai bien compris son prénom), jeune japonaise parlant parfaitement notre langue qui nous servira tout au long du repas. Et le travail du sommelier est ardu car près de 17 plats nous attendent.

Petits savoureux apéritifs, champagne Spéciale Cuvée BollingerHabituellement, d’innombrables amuse-bouches façon tapas sont servis avant le repas. Il n’y en eu que 3 pour ce menu, mais quels apéritifs, qui à leurs seuls souvenirs me feraient reprendre immédiatement le TGV pour l’Est !

- Truffe fraiche en blanc-manger et en tartelette : un nuage en bouche, l’onctuosité du jaune d’œuf et la truffe en bouquet…



- Découpe de langoustines, raisins et féta, sorbet au vinaigre… la fraicheur après la douceur, le gras de la féta, le piquant du vinaigre… j’adore



- Huitres aux trois saveurs



Ma première huitre de toute ma vie, moi qui ne suis pas l'amie des coquillages ! L’huitre est un prétexte à nous faire découvrir 3 agrumes en sorbet, en bille et confit : le pomelos, le yuzu et le calamansi, qui à l’odeur particulière et délicate de la clémentine et du kumquat. Une explosion en bouche, je n’ai pas croqué dans l’huitre ce qui aurait rajouté de l’iode à l’acidité des agrumes.

Afin d’accompagner les trois premiers plats, nous avons choisi un Riesling grand cru Vorbourg Saint Landelin Muré 2002. J’ai trouvé qu’il se mariait parfaitement en apportant une note d’orange, presque de mandarine aux plats.


Perles de Caviar “impérial”, gelée de pomme acidulée à la feuille d’or “rue de rivoli”…



Rue de la Paix aurait été plus approprié, au regard du luxe de ce plat. N’aimant pas le caviar que j’ai généreusement partagé entre mes deux voisins, je n’ai pas d’avis particulier sur ce plat. Une seule remarque assez unanime sur la lourdeur du jaune d’oeuf mollet/cuit qui n’apportait trop de gras au caviar.


Ensuite un de mes plats préférés du repas : des écrevisses à la nage vanillée, bonbon d’oignon confit et kaeffir.


J’ai adoré le bouillon vanillé et citronné très "Pierre Gagnaire", chef qu’adore Jean-Georges Klein. Une simplicité asiatique et une longueur en bouche remarquable pour ce merveilleux bouillon.


Une aile de raie bouclée, écrasé de ratte, beurre noisette mousseux, un plat classique magnifiquement revisité.



Tout simplement énorme. Certainement un des meilleurs plats que je n’ai jamais mangé. Nous avons du mousseux, du moelleux, du grillé, l’odeur irrésistible du beurre noisette dans le nez, le piquant du câpre. J’en ai presque oublié que la raie était un peu trop salée. Cathy nous explique que c’est un plat que n’aime pas faire le chef et quel dommage, à la vue de la gourmandise et de la générosité de cette assiette.

Selon Patrick, le chef Klein travaille merveilleusement deux produits : le foie gras et le pigeon. Pas de pigeon dans ce menu mais en revanche un foie gras grillé, à l’ananas poêlé aux épices, écume de poivre long.


Je ne suis pas une fan du foie gras poêlé que je trouve écoeurant, douceureux et que je digère particulièrement mal. Il est vrai que j’aime quand il est cuisiné avec des fruits qui casse cette lourdeur tout comme la cigarette croustillante de carotte. Adorant le poivre long, j’ai beaucoup aimé la chaleur qu’il apporte au foie.


Le menu se déroule à merveille. Après le Riesling, un Pinot gris grand cru Schlossberg P. Blanck 2004 pour accompagner des gnocchi soufflés de potiron et truffe blanche, bouillon de riz noir versé à l’assiette.




Notre maître d’hôtel nous conseille de commencer par le potiron. Si le potiron me laisse indifférente, que dire du gnocchi de truffe qui explose dans la bouche et le nez. Orgasmique ! Je me damnerai pour de la truffe et cela tombe bien car nous n’en avons pas encore fini avec elle ! Les avis sont partagés sur le bouillon de riz noir que beaucoup ont apprécié et qui ne m’a pas spécialement conquise.


Encore un plat d’une richesse incroyable où l’on retrouve aussi bien une inspiration de Ferran Adrià (dont Jean-Georges Klein est un fervent admirateur) pour le cannelloni de spaghetti de parmesan, les couleurs franches du plat avec le rouge du homard, l’orangé du potimarron et le noir veiné de la truffe généreusement rapée au dessus de l’assiette.



Incroyable. Nous l’avons tellement admiré que nous avons fini par manger ce plat presque froid. Peut-être une remarque : un peu plus de sauce pour accompagner le cannelloni.

Non prévue au menu mais l’ayant vue servie à une table voisine, nous ne résistons pas à l’envie de tester une explosion de foie gras, au bouillon d’estragon.



Servi dans un verre à martini, un bonbon glacé de foie gras se réchauffe au contact d’un bouillon à l’estragon. 20 secondes de patience avant de gober le tout et de croquer dans le bonbon encore froid. Une association détonnante mais si évidente en bouche que nos papilles s’en souviennent de longue minutes.


Avant de passer à la viande, un cornet de choux rouges, crème glacée à la moutarde nous nettoie des précédentes saveurs.


La crème glacée piquante nous secoue les papilles, les petits grains se croquent. C’est surprenant. Nous sommes remis à neuf pour la suite.

Et quelle suite…

Dos de faon de biche laqué de son jus, choux vert confit et coing.




Un tableau magnifique que ce plat. Sur une fine gelée de coing, le dos farci du faon est nappé de sa sauce légèrement cacaotée, accompagné d’un trait de pinceau de cassis. Et que dire du choux vert sur une aérienne pâte croustillante et d’une cigarette transparente de chou rouge. Ce plat ressemble au pays qui l’entoure, on y retrouve l’obscurité des forêts, le vert parfois fluo des sapins et de la mousse, le violet sombre des baies, le pinceau dessine le ruisseau qui coule dans la vallée, le soleil éclaire l’écorce du chou rouge, la viande est roulée comme une grume de bois… Superbe assiette avec laquelle nous avons dégusté un Chateauneuf du Pape, Château Beaucastel Perrin 2000.

Emulsion de pommes de terre et truffe.




Habituellement, le chef sert un cappucino de pommes de terre à la truffe. C’est le plat terrien par excellence car tous les ingrédients en viennent. C’est généreux, léger, goûteux, simple et pourtant si difficile à réaliser. A ce stade là je ne voudrais vivre que de pommes de terre et de truffes ! et aussi de chocolat quand vous verrez le dessert !

Avant d’aller au dessert et après discussion, nous tentons le plateau de fromages car il est impossible de résister au Munster au cumin, au Comté 48 mois d’affinage ou 42 ou 36 mois je ne sais plus, à la brebis de Savoie… bon honnêtement c’est superflu et je me suis contentée d’un morceau de Munster alors que les garçons qui criaient au grand jamais ne vouloir de fromages, ont finalement fait une razzia sur le plateau.

Trois desserts, rien que ça pour finir en beauté.

- un bonbon de noisette au caramel, émulsion de Chartreuse. Là encore un bonbon qui fond sur la langue accompagné d’un caramel beurre salé et d’une émulsion de Chartreuse. Noisette, caramel et Chartreuse : j’adore cette association.



- Un fuseau croustillant au chocolat lacté, crème d’amande, copeaux de truffe (pour le 31 décembre servi avec de la truffe blanche d’Alba !). La truffe sublime le chocolat et l’amande



- Enfin un nuage d’azote accompagne une omelette norvégienne crio posée sur une brunoise de fruits exotiques et d’un bouillon aux épices alsaciennes.




L’omelette découvre un cœur de sorbet à la mangue. C’est aérien et on garde en bouche la douceur des épices qui nous rappellent les sablés et le stolhen de Noël.

Avec ces desserts nous sont proposés des petites mignardises : pâtes de fruits framboises, passion, une coque de chocolat, crème coco et passion, un ananas au gingembre meringué et des tuiles rose et morille.


Pour le café, nous passons au salon. Guimauve légère comme une plume, truffes à l’anis, palets chocolat/sésame, bonbons de caramel, petits beignets saupoudrés de 4 épices, nous ne sommes pas aux frontières de l’Alsace pour rien.



A peine le temps de jeter un coup d’œil à l’hôtel K qui surplombe le restaurant et nous devons reprendre la route pour une visite éclair à la cristallerie de Saint-Louis et le TGV pour Paris.

Nous avons vécu un véritable moment de plaisir et de gourmandise dans ce restaurant. Une des meilleures tables que j’ai pu faire et celle qui m’a apportée le plus de surprises avec les Magnolias (à un autre niveau bien sûr) à Bry sur Marne. Et je n’ai jamais mangé autant de truffe dans un même repas…Nous avons eu le droit de nous rendre en cuisine pour une petite démonstration de Pacojet, l'objet de tous les fantasmes pour Fabien et Patrick.




C’est un lieu chaleureux, généreux et décontracté malgré ses 3 étoiles, d’un rapport qualité/prix exceptionnel ( 240 euros avec le fromage et les vins – 140 euros le menu seul). On y accueilli avec plaisir et sincérité, et on y reviendra avec encore plus de bonheur.

L’Arnsbourg
57 230 Baerenthal
03 87 06 50 85



PS : nous vous conseillons le TGV de 8h39 jusqu’à Metz, compter environ 1h30 de route dont les 3/4 en voie rapide ou autoroute. Retour par le TGV de 20h à Metz. L’aller/ retour dans la journée est possible et vivement conseillé à moins que vous ne vouliez tenter une nuit et un petit déjeuner pantagruélique au K (avec des Prems à 17 euros pour Metz si vous vous y prenez en avance). Le restaurant est situé à 50 minutes de Strasbourg en voiture.

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